Au cours d’une virée nocturne, je tombe sur cette page A4, pliée et abandonnée sur la table d’un boui-boui Saint-Gillois. Quel trésor et quelle chance, voici la trace que Facebook a pénétré notre réalité. Je m’empresse d’extraire cette relique aux yeux de mes compagnons de sortie. Le papier étant de pauvre qualité, l’atmosphère graisseuse du lieu pourraient dégrader encore un peu plus cet objet.
De retour chez moi et admirant plus longuement la trouvaille, il me parait évident que nous sommes là face à une œuvre − que je qualifierai − d’art.
En observant les détails, on peut comprendre qu’il s’agit d’une impression d’une copie locale d’une page de Facebook partagée au départ entre quelques utilisateurs du réseau social. Le but de la page semble être l’échange autour d’une ancienne photo de mariage. La légende indique “Mom and Dad in 1978”. On y voit une jeune femme en robe blanche et un jeune homme en costume posant derrière un bouquet de fleurs. La photo elle-même, légèrement floue, est une photo prise à partir d’un téléphone portable d’une reproduction plus ancienne, vraisemblablement tirée par procédé photochimique. Enchaînement de procédés de capture, reproduction et transmission à donner le vertige.
Techniquement, le procédé d’impression lui-même ainsi que l’apparition d’éléments de l’interface Facebook à des endroits inappropriés sur la page nous renseignent sur le contexte amateur du processus. Cette page était donc destinée à être échangée dans un cercle familial ou amical, sans doute pour permettre la discussion, en direct, hors réseau. Sans doute aussi pour élargir le cercle des participants et impliquer des personnes non-connectées à Facebook, la page elle-même n’ayant que 2 “j’aime” et 2 commentaires faits par les mêmes utilisateurs.
L’impression d’une page Facebook devient donc un objet social, un prétexte à discussion, un moyen d’échanger, de se souvenir. Le tout, entouré de publicité.
7 espaces publicitaires standardisés et accompagnés de leurs vignettes graphiques encadrent la photo des jeunes mariés. Le tout recouvre approximativement 33% de la page. Leur contenu nous donne peut-être des indications sur le sexe ou le statut célibataire ou veuf de l’utilisateur qui a imprimé cette page. Peu importe. C’est le souvenir familial lui-même qui est aujourd’hui encadré par la publicité.