Comme tous les jours, il y avait du monde à la plage. Ho, bien sûr, un peu moins que le weekend, mais en ces mois d’été, c’est la foule. Cette foule bigarrée qui montre ses rondeurs rougies comme si la réserve imposée par la règlement d’ordre d’intérieur de la boite n’était plus qu’un lointain souvenir. Ou bien justement, si, ces kilomètres de chaire rôtie, dont le soleil n’a pas réussi à faire fondre les graisses, est un pied de nez, un grand doigt tendu (une quenelle aurait dit l’autre) au système salaire.
Bref, je suis là, comme tous les jours depuis une semaine, mon petit coin de serviette savamment placé à distance moyenne de ses congénères, Voronoy aurait été fier. Et comme tous les jours à cette heure, je vais faire trempette. Mais aujourd’hui il n’y a pas de vague. Ça me fait bizarre. C’est presque plat. Pas de mousse, pas de rouleaux, l’eau est même presque chaude lorsque j’y plonge les pieds. Ça doit être mon corps qui s’habitue à cet exercice quotidien.
À peine arrivé à la taille, je commence à voir des trucs bizarre qui flottent ; des petits morceaux blancs, bleus ou gris. En fait, il en a plein. Merde, je suis au milieu d’une flaque de confettis de plastique. Comme si je pouvais les faire disparaitre, je fais des grands mouvement de rame avec mes mains, en espérant me frayer un passage hors de ce bouillon. Peine perdue, je suis sans doute parti du mauvais côté. Je regarde autour de moi et je vois tous ces gens qui nagent et jouent comme si de rien n’était. C’est que je ne suis pas au bon endroit. Je marche un peu. Je tente de trouver un coin moins envahi. Sans succès.
Comme tous les jours, je vais faire mon 500m de nage libre. J’aime bien m’éloigner de la soupe populaire et nager jusqu’à la bouée qui détermine la zone de baignade. J’ai plus ou moins estimé qu’elles étaient à 250m de la plage. C’est pas énorme, mais passé les 50 premiers mètres, on se sent déjà seul. L’eau perd quelques degrés. On ne voit plus le fond et aujourd’hui, j’espère que l’eau ne sera pas recouverte de ces micro-déchets si je m’éloigne.
Faux. J’ai même du faire des détours pour éviter les gros sacs plastiques qui trainaient à la surface. Je me suis mis à stresser aussi. Et si j’avalais un de ces petits bouts et que je m’étouffe. Toute la mer, aussi loin que je pouvais voir, était couverte ; un mélange de plastique, de fibres en tout genre et de bois. Comme si on avait passé un camion poubelle au broyeur et qu’on avait répandu ça comme nourriture pour poissons. D’où ça pouvait venir ? Il n’y a pas eu de tempête hier. Peut-être que ça venait depuis l’autre côté ? Ces étrangers n’ont pas la même notion de propreté que nous. J’ai même entendu qu’il n’avaient pas de décharge et jetaient tout à la mer. Et si leurs déchets arrivaient chez nous ? Ou bien c’est le camping d’à côté.
Je ne sais pas. Je ne sais pas à qui demander. Je regarde autour de moi et rien a changé. Les enfants et les parents jouent dans l’eau, comme s’il n’y avait rien à sa surface, comme si ces bouts de plastique aujourd’hui étaient déjà là hier, comme si de toute façon, demain ça ne se verrait plus.
Comme tous les jours, il y avait du monde à la plage. Je suis allé me baigner et la mer était recouverte de détritus.
L’illustration de cet article est une photo de Chris Jordan, publiée sous Creative Commons By-NC-SA