100 pains

L’histoire banale d’un type qui reçoit un livre sur le levain et décide de pousser son boulanger à la banqueroute, un pain dans la tronche à la fois.

J’aime bien mon boulanger. Il fait une excellente coca à l’eau de rose. Il a reçu le prix de la coca la plus originale en je-ne-sais-plus-quelle-année. Elle se vend d’ailleurs comme des petits pains, une fois par an, à la Saint Jean. Tous les autres jours de l’an, il vend ses produits, comme tout bon boulanger, avec ce pseudo-label “artisanal” dont je ne crois pas un mot. Son petit atelier qu’on voit à travers une vitre au fond du magasin me semble peu actif pour la quantité de viennoiseries et variété de miches qui trônent sur son comptoir. Je ne sais rien de son processus de fabrication, mais je ne pense pas avoir la même définition de l’artisanat.

D’autre part, j’ai toujours eu envie de m’occuper d’un levain. Je ne sais à quand remonte ce souvenir d’un étrange bocal vu dans un frigo. Et ça m’a bien entendu paru compliqué pendant des années jusqu’à ce que je tombe sur un recette pour démarrer l’animal avec quelques instructions simples pour le nourrir. Parfois, il faut attendre le bon professeur pour oser faire le pas. Chance ou pas, au bout d’une semaine, j’avais un pot de farine et d’eau en pleine ébullition.

Et le matin du troisième jour, Mère Nature fît les bactéries, les levures et laissa fermenter tous les produits de sa création. Et l’humanité bénit le pain, le vin et le fromage frais aux petites herbes, la gueuze, la choucroute et les yaourts grecs. On y pense rarement, mais le processus de fermentation est probablement la plus magnifique chose de ce monde. Quand on dépeint les cycles naturels, on manque souvent le travail colossal des bactéries. C’est en croissant un levain pour la première fois de ma vie que mon franc belge est tombé.

Ça doit être l’âge, la crise de la dizaine suivante, l’envie de décoller les doigts du clavier, le retour à l’eau de source, mais en pétrissant cette pâte gluante, je ne peux m’empêcher de penser aux millions d’êtres humains pratiquant ces gestes connus depuis le néolithique. Ça m’a foutu une boule dans l’estomac de me rendre compte qu’il n’y a que deux ingrédients dans un pain: de l’eau et de la farine (et un peu de sel, si tu veux). Absolument rien d’autre. De ça en sort une multitude de formes, de goûts, de textures. Paulo, me voilà enfin alchimiste.


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